Dans la soirée du 19 décembre 2023, l’avenir des étrangers en France a basculé. En effet, après avoir fait l’objet d’une motion de rejet, le projet de loi immigration a finalement été durci par la commission mixte paritaire puis adoptée par le Sénat ainsi que par l’Assemblée nationale. Cette atteinte aux droits fondamentaux des ressortissants étrangers, contestée par la Défenseure des droits et par bon nombre de députés de gauche, laisse présager le pire pour ceux qui sont parfois contraints de quitter leur pays natal au profit d’une France qui était autrefois synonyme de droit. Lumière sur ce qui va changer dans les mois à venir.
Un projet de loi Immigration riche en rebondissements
Depuis plusieurs semaines, le projet de loi Immigration fait parler de lui. Entre suppression de l’AME, retrait des droits fondamentaux des ressortissants étrangers et instauration de quotas migratoires, le texte a d’abord été adopté par le Sénat, dont la majorité est de droite, puis ensuite rejeté par une Assemblée nationale, outrée par des mesures qui lèsent clairement ceux ayant quitté leur pays natal au profit d’une France autrefois encline à les accueillir.
Pour mettre un terme aux débats, une commission mixte paritaire composée de 7 sénateurs et de 7 députés choisis en fonction de leur représentation dans l’hémicycle a tranché cette nuit. Loin de favoriser les étrangers, les décisionnaires majoritairement de droite ont finalement durci le texte initial. Ensuite, tout est allé très vite. Le Sénat a à nouveau adopté la loi, tandis qu’une entente entre députés de droite et d’extrême droite s’est faite à l’Assemblée nationale, provoquant l’adoption à la majorité du tant contesté projet de loi Immigration. Voici ce qu’il adviendra des droits de ceux qui ont pour projet de s’installer provisoirement ou durablement en France dans les mois à venir.
Un avenir incertain pour les étrangers désireux de s’installer sur le territoire français
Si jusqu’alors, il pouvait être avantageux de s’installer en France en tant que ressortissant étranger, les choses pourraient bien changer dans les mois à venir. L’adoption du projet de loi Immigration compromet bon nombre de droits, auparavant accordés sans condition à ceux qui quittaient leur pays natal au profit d’une nation encline à les accueillir.
Désormais, les critères d’éligibilité pour obtenir des prestations sociales, un accès aux soins médicaux ou même le droit au séjour seront encore plus nombreux, tandis que les sanctions, elles, pleuvront plus facilement et se feront plus strictes. Entre déchéance de nationalité et retour du délit de séjour irrégulier, l’avenir des étrangers qui vivent en France est plus que jamais incertain.
Des conditions de résidence variables pour accéder aux aides sociales
Pour bénéficier de prestations sociales versées par la CAF, les ressortissants étrangers devront désormais patienter. En effet, le projet de loi Immigration adopté cette nuit prévoit de nouveaux délais et critères d’éligibilité. Pour définir les droits de chacun, l’État a finalement décidé de prendre en compte la situation professionnelle des allocataires nés dans un autre pays.
Si les étrangers éligibles aux aides sociales telles que l’APA ou les allocations familiales exercent un emploi, ils pourront compter sur des versements dès 30 mois de présence effective sur le territoire. L’APL, elle, leur sera délivrée dès 3 mois de résidence sur le sol français. En revanche, ceux qui n’ont pas la chance de travailler devront patienter davantage. Aucun versement de la part de la Caisse d’allocations familiales ne leur sera octroyé avant qu’ils ne soient en mesure de justifier de 5 années de résidence en France.
L’aide médicale d’État a nouveau susceptible d’être compromise dans les mois à venir
L’accès aux soins médicaux pour les ressortissants étrangers risque lui aussi d’être compromis. Malgré les batailles menées par les députés de gauche à l’Assemblée nationale pour éviter la suppression de l’aide médicale de l’État qui permet aux sans-papiers d’être soignés sans frais, l’AME sera prochainement réformée.
Les conditions d’éligibilité au titre de séjour « étranger malade » seront quant à elles également durcies. Désormais, il faudra justifier du fait qu’aucun traitement approprié n’est disponible au sein de son pays natal pour pouvoir prétendre à la délivrance de ce document ouvrant droit au séjour. En cas de ressources financières suffisantes, les porteurs d’un tel titre pourront en prime se voir refuser une prise en charge des soins par l’Assurance maladie.
Une expérimentation pour régulariser les sans-papiers qui exercent un métier « en tension »
Pour souligner l’importance de la présence des travailleurs sans-papiers qui exercent un métier « en tension », le gouvernement prévoit toutefois quelques bonnes nouvelles au sein de son projet de loi Immigration. En effet, une expérimentation de régularisation de ces étrangers en situation irrégulière devrait avoir lieu jusqu’en 2026.
Désormais, les préfets pourront délivrer des titres de séjour valables une année lorsqu’un salarié sans-papiers sera en mesure de justifier d’une présence en France depuis plus de 3 ans et de l’exercice d’une activité durant au moins une année au cours des 24 derniers mois. Il est à noter que pour bénéficier de ce droit et réaliser les formalités pour le faire valoir, les salariés n’auront désormais plus besoin de l’accord de leur employeur.
L’instauration de quotas migratoires pour réduire les chiffres de l’immigration en France
Au cours des trois prochaines années, des plafonds seront instaurés pour réduire le nombre de ressortissants étrangers admis sur le territoire, et ce, pour le plus grand bonheur de l’extrême droite qui se félicite d’une telle mesure. L’instauration de quotas migratoires devrait permettre de limiter l’arrivée de nouveaux étrangers en France et seuls les demandeurs d’asile ne seront pas soumis à ces quotas, jugés inconstitutionnels par le camp présidentiel, mais tout de même inclus dans les textes adoptés hier soir par la majorité.
La déchéance de nationalité et la fin de l’automaticité du droit du sol
Les personnes bénéficiaires d’une double nationalité pourront désormais être déchues de leur appartenance à la nation. En effet, en cas de condamnation pour homicide volontaire contre une personne dépositaire de l’autorité publique, ces Français pourront être concernés par la déchéance de nationalité. Aussi, le droit du sol n’est finalement plus automatique. Désormais, un enfant né en France de parents étrangers devra attendre d’avoir atteint l’âge de 16 ans pour demander la nationalité française. Cette dernière sera d’ailleurs refusée à l’intégralité des étrangers qui la sollicite en cas de condamnation pour crime.
Le délit de séjour irrégulier à nouveau instauré
Le retour du délit de séjour irrégulier fait son grand retour. Malgré de fermes oppositions de la part du clan présidentiel, la mesure qui vise à sanctionner ceux qui résident en France sans détenir de titre de séjour en cours de validité a finalement été adoptée par la majorité dans la soirée du 19 décembre 2023. La nouvelle loi Immigration réinstaure donc ce délit qui soumet les sans-papiers contrôlés au paiement d’une contravention, sans risquer toutefois la prison. Les étrangers mineurs, quant à eux, restent protégés par une interdiction de placement en centre de rétention.
Des conditions d’éligibilité au regroupement familial durcies
Chaque année, le regroupement familial permet à bon nombre de ressortissants étrangers de s’installer en France afin d’être au plus près de leurs proches. Voyant d’un mauvais œil cet avantage, la droite a décidé de durcir les conditions pour pouvoir en bénéficier :
- Il faudra désormais justifier d’une présence en France depuis 24 mois contre 18 auparavant ;
- De revenus réguliers, stables et suffisants pour pouvoir séjourner en France ;
- D’une affiliation à l’assurance maladie ;
- Et d’un conjoint âgé d’au moins 21 ans contre 18 avant l’adoption du projet de loi Immigration.
Les étudiants étrangers désormais soumis au paiement d’une caution pour étudier en France
Pour pouvoir étudier au sein des établissements scolaires français, les ressortissants étrangers devront désormais passer par le paiement d’une caution au moment de solliciter un titre de séjour étudiant. Cette nouvelle taxe est prévue par la droite pour financer d’éventuels frais d’éloignement. L’accord, malgré les risques qu’ils comportent pour les élèves internationaux soucieux d’étudier en France, a été adopté malgré le fait qu’il constitue une certaine rupture d’égalité.
Un projet de loi contesté par la gauche et par la Défenseure des droits
Comme vu plus haut, le projet de loi Immigration adopté ce 19 décembre 2023 a été largement contesté. Au cours de son étude, bon nombre de soignants et de députés se sont mobilisés pour éviter son adoption. La Défenseure des droits a par ailleurs alerté sur la lourde atteinte aux droits fondamentaux des étrangers que représente ce texte, tandis que le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau et d’autres ministres, défavorables au projet de loi ont été reçus à Matignon pour faire part de leur désaccord. C’est notamment le cas de Clément Beaune et de Sylvie Retailleau, ministres des Transports et de l’Enseignement supérieur.